Vincent
Chablais
17.11.18
23.12.18

« Chaque trait morcelle l’intégrité de l’espace et le dissout. » 

Parler d’espace avec des moyens bidimensionnels, c’est le pari fait par Vincent Chablais. Le support principal de l’artiste, le papier, est dessiné, peint, coupé, incisé, collé, plié, accroché, plaqué au mur ou sur un châssis, créant son propre espace tout en prenant possession de celui dans lequel il intervient. Les actes commis sur le papier se révèlent très divers, mais témoignent d’une même et unique attention de l’artiste à sa matière. Et d’une intense intimité entre eux, dans des allers et retours féconds : pas de domination de la part de l’artiste sur elle, ni l’inverse, bien plus un dialogue, une écoute. Un rouleau est exploité pour son mouvement, la lumière jouant sur ses plis donne du relief à un papier froissé, un interstice qui se dégage entre deux feuilles ouvre l’œuvre. Dans un élan vers le regardeur. Shift happens.

Les motifs peints ou dessinés sont en lien direct avec la définition, la représentation ou la perception de l’espace : formes géométriques, grilles, barrières, parois, fenêtres. Ils tendent avec le temps à l’abstraction. Ces motifs se perçoivent dans le même mouvement que leur support. Shift happens. Au papier blanc s’ajoutent des matières de plus en plus transparentes : le papier calque d’abord, puis le film plastique, qui accueillent la lumière de manière plus marquée, quand ils ne laissent pas transparaître l’espace. 

Les réalisations récentes de l’artiste affichent l’autonomie du papier. Porté par des baguettes de bois par exemple, accordées au motif, elles rythment la construction et l’élan d’une œuvre devenue plus que sculpture, véritable architecture au sein du lieu d’exposition. Shift happens. Les créations individuelles qui composent l’exposition sont du reste à lire comme les éléments d’un tout ; de même que chaque composition est elle-même composée de fragments associés. L’espace, un instant divisé, se ressoude pour s’unifier à nouveau. Rien n’est caché, tout est montré, tout fait œuvre.

Certains travaux récents induisent une étape initiale dans leur perception, due à l’utilisation de la couleur rouge. Paradoxalement, la vision de cette couleur attirante provoque un aveuglement, ou plutôt la mise au deuxième plan des éléments formels et matériels qui composent l’œuvre. Comme une barrière à franchir pour le regard. Mais plus loin, au détour d’un papier, une chaise : un espace où asseoir l’œil. Shift happens.

Entrer dans une exposition de Vincent Chablais c’est entrer dans l’œuvre même. 

Hélène Joye-Cagnard

/ article Nouvelliste, 16 novembre 2018

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